Olivia de Lamberterie, la
reine incontestable de la critique littéraire sur France 2,
m'a fait découvrir des livres passionnants. Récemment,
par exemple, ceux de talents reconnus comme Philippe Jaenada, mais
aussi des nouveaux venus comme Frank Bouysse, un jeune auteur de
polars inspiré par la ruralité, et je pourrais en citer
bien d'autres. J'aime ses chroniques vivantes, sensibles,
chaleureuses, qui ont le don de captiver son public, de l'étonner.
En racontant les
circonstances du suicide de son frère Alex, survenu le 14
octobre 2015 à Montréal, Olivia de Lamberterie a
traversé le miroir du petit écran. La journaliste a
choisi de se muer en écrivain pour évoquer cette
douloureuse épreuve et il en ressort un témoignage
puissant et pathétique qui
m'a sincèrement ému et même bouleversé.
Pas facile de mettre des mots sur la douleur que peut susciter un tel
drame familial, ni de faire partager hors de toute sensiblerie
l'incompréhension, la révolte, le désordre
intérieur qu'un tel événement peut susciter. Pas
facile de trouver le ton juste dans l'écriture, de marcher
ainsi sur un fil en permanence en essayant de démêler
les causes d'un acte désespéré, tout en prenant
le lecteur à témoin. Et pourtant par un style aussi
vivant que ses propos à la télé, fait de phrases
courtes et incisives, parsemé d'expressions drôles, de
références au cinéma, à la chanson, aux
écrivains bien sûr, aux réseaux sociaux, l'auteur
excelle dans l'exercice pourtant périlleux auquel elle s'est
livrée avec courage, lucidité, audace aussi.
Le
livre est écrit à fleur de peau. C'est avant tout un superbe geste d'amour. On revit le drame
familial avec l'évocation des moments heureux ( les beaux étés
de Cadaquès et de la Croix Valmer) et aussi les heures noires de ce frère si
instable, qui avait déjà voulu mettre fin à ses
jours à plusieurs reprises, avant de se jeter du haut du pont
Jacques-Cartier à Montréal. On comprend que les
médecins, en particulier les psychiatres, auxquels le
désespéré a pu se confier, n'ont pas été
pour la plupart à la hauteur, c'est en tous cas le ressenti
d'une sœur aimante, écœurée par tant d'incompétence.
La
vie d' Alex, qui nous est ainsi exposée, présentait
pourtant toutes les apparences de la réussite sociale,
professionnelle et familiale, même s'il y a forcément
une part d'inconnu qu'une vie recèle, laquelle échappe
même aux membres les plus proches de sa famille ou à
ses amis intimes. Une photo d'enfance, prise sur une plage de sud de
la France et transmise un jour via Internet à sa sœur, nous
montre le bonheur de vivre de deux enfants épanouis à qui rien ne pouvait arriver de mauvais, c'est la
couverture du livre. Et puis un jour tout bascule. Quand, comment,
pourquoi, Olivier de Lamberterie s'efforce sans y parvenir vraiment à
expliquer l'inexplicable.
L'auteur
nous rappelle que le choix de son titre « avec toutes mes
sympathies » lui a été inspiré par le
sens de « sympathy » en anglais qui signifie
« condoléances » et qui renvoie à
la célèbre bourde de Françoise Sagan, lors d'une
séance de dédicaces à New-York. Un écrivain
phare pour l'auteur de ce témoignage si poignant.
Faire
son deuil malgré tout, et d'une manière qui une fois
encore va étonner le lecteur, et réussir en même
temps à se remettre en selle, à reprendre « le
métro de la vie », c'est la leçon finale,
sublime, délivrée au terme de ce récit tout à fait exceptionnel. Olivia
de Lamberterie excelle, on l'a déjà souligné,
dans la critique littéraire, elle vient de faire la preuve
qu'elle est aussi un écrivain qui met d'emblée la barre
très haut, ouvrant une nouvelle voie , de nouveaux horizons à
son magnifique talent.
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