vendredi 15 juin 2018

Avec toutes mes sympathies d'Olivia de Lamberterie



Olivia de Lamberterie, la reine incontestable de la critique littéraire sur France 2, m'a fait découvrir des livres passionnants. Récemment, par exemple, ceux de talents reconnus comme Philippe Jaenada, mais aussi des nouveaux venus comme Frank Bouysse, un jeune auteur de polars inspiré par la ruralité, et je pourrais en citer bien d'autres. J'aime ses chroniques vivantes, sensibles, chaleureuses, qui ont le don de captiver son public, de l'étonner.

En racontant les circonstances du suicide de son frère Alex, survenu le 14 octobre 2015 à Montréal, Olivia de Lamberterie a traversé le miroir du petit écran. La journaliste a choisi de se muer en écrivain pour évoquer cette douloureuse épreuve et il en ressort un témoignage puissant et pathétique qui m'a sincèrement ému et même bouleversé. Pas facile de mettre des mots sur la douleur que peut susciter un tel drame familial, ni de faire partager hors de toute sensiblerie l'incompréhension, la révolte, le désordre intérieur qu'un tel événement peut susciter. Pas facile de trouver le ton juste dans l'écriture, de marcher ainsi sur un fil en permanence en essayant de démêler les causes d'un acte désespéré, tout en prenant le lecteur à témoin. Et pourtant par un style aussi vivant que ses propos à la télé, fait de phrases courtes et incisives, parsemé d'expressions drôles, de références au cinéma, à la chanson, aux écrivains bien sûr, aux réseaux sociaux, l'auteur excelle dans l'exercice pourtant périlleux auquel elle s'est livrée avec courage, lucidité, audace aussi.

Le livre est écrit à fleur de peau. C'est avant tout un superbe geste d'amour. On revit le drame familial avec l'évocation des moments heureux ( les beaux étés de Cadaquès et de la Croix Valmer) et aussi les heures noires de ce frère si instable, qui avait déjà voulu mettre fin à ses jours à plusieurs reprises, avant de se jeter du haut du pont Jacques-Cartier à Montréal. On comprend que les médecins, en particulier les psychiatres, auxquels le désespéré a pu se confier, n'ont pas été pour la plupart à la hauteur, c'est en tous cas le ressenti d'une sœur aimante, écœurée par tant d'incompétence.

La vie d' Alex, qui nous est ainsi exposée, présentait pourtant toutes les apparences de la réussite sociale, professionnelle et familiale, même s'il y a forcément une part d'inconnu qu'une vie recèle, laquelle échappe même aux membres les plus proches de sa famille ou à ses amis intimes. Une photo d'enfance, prise sur une plage de sud de la France et transmise un jour via Internet à sa sœur, nous montre le bonheur de vivre de deux enfants épanouis à qui rien ne pouvait arriver de mauvais, c'est la couverture du livre. Et puis un jour tout bascule. Quand, comment, pourquoi, Olivier de Lamberterie s'efforce sans y parvenir vraiment à expliquer l'inexplicable.

L'auteur nous rappelle que le choix de son titre « avec toutes mes sympathies » lui a été inspiré par le sens de « sympathy » en anglais qui signifie « condoléances » et qui renvoie à la célèbre bourde de Françoise Sagan, lors d'une séance de dédicaces à New-York. Un écrivain phare pour l'auteur de ce témoignage si poignant.

Faire son deuil malgré tout, et d'une manière qui une fois encore va étonner le lecteur, et réussir en même temps à se remettre en selle, à reprendre « le métro de la vie », c'est la leçon finale, sublime, délivrée au terme de ce récit tout à fait exceptionnel. Olivia de Lamberterie excelle, on l'a déjà souligné, dans la critique littéraire, elle vient de faire la preuve qu'elle est aussi un écrivain qui met d'emblée la barre très haut, ouvrant une nouvelle voie , de nouveaux horizons à son magnifique talent.

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