mercredi 31 janvier 2018

Blue Light Yokohama de Nicolás Obregón



A Tokyo, l'inspecteur Iwata et sa collègue Sakai de la brigade criminelle mènent leur première enquête commune. Ils ont à résoudre un quadruple meurtre : les Kaneshiros, une famille coréenne, ont été massacrés dans leur maison. Le tueur a notamment prélevé le cœur du mari et laissé un étrange symbole en guise de signature de son crime : un « soleil noir » tracé au plafond...


Une construction sophistiquée


Ainsi commence ce roman noir très réussi qui se déroule principalement au Japon. La construction de l'intrigue est savamment sophistiquée. L'histoire s'ouvre dans un téléphérique où une jeune marginale, qui est accompagnée par une petite fille, poignarde un policier présent dans la cabine, avant de sauter dans le vide. La résolution de l'énigme aboutira à découvrir le meurtrier, après une multitude de rebondissements et de digressions. On en apprend davantage, au fil des pages, sur la personnalité des enquêteurs, sur leur passé, et sur leur quête personnelle. Tout est étroitement imbriqué...


Le « Rainbow Bridge » en guise de décor


Tokyo sert de toile de fonds à ce thriller, avec pour emblème son prestigieux « Rainbow Bridge » illuminé grâce à l'énergie solaire, où les personnages clefs se croisent et jouent chacun leur partition. On navigue également dans les bas quartiers de la capitale mais aussi dans des lieux plus huppés, en devinant que l'auteur nourrit pour la capitale japonaise une véritable passion. Une chanson trotte tout au long du livre dans la tête de l'inspecteur Iwata : « Blue Light Yokohama » dont les paroles sont égrenées au fil des pages sur le mode répétitif. C'est une originalité d'écriture. Ces paroles apaisantes et poétiques contrastent en effet avec la noire réalité à laquelle les enquêteurs sont sans cesse confrontés.

Le phénomène des sectes au Japon... et ailleurs



Nicolás Obregón, l'auteur du roman, a saisi au passage quelques traits dominants de la société japonaise : la corruption qui y règne mais aussi l'inquiétante progression du nombre de suicides par exemple que les autorités essaient de combattre avec des moyens dérisoires ou la puissance des sectes, qui est au cœur de l'intrigue, nous donnent à réfléchir sur nos modes de vie et de développement. Avec comme perspective cette « ultra-moderne solitude » qui s'installe ici ou là, et pas seulement au Japon. Ce livre, de ce point de vue, parle à tout le monde.


Un cocktail réussi


J'ai aimé ce roman qui parvient à nous tenir en haleine, malgré quelques invraisemblances, avec un final qui ne manque pas de panache. Un joli défi pour l'auteur, né en Espagne, et qui s'était juré de marcher un jour sur le « Rainbow Bridge » lorsqu'il était enfant. Challenge réussi.

Date de publication du roman:  31 janvier 2018

samedi 27 janvier 2018

Toute la vérité de Karen Cleveland



Vivian et Matt Miller forment un beau couple, ils vivent à Washington dans une maison agréable et filent le parfait amour depuis dix ans. Ils ont quatre enfants dont deux jumeaux ( l'un d'eux souffre de problèmes cardiaques mais il bien pris en charge). Matt est ingénieur en informatique, mais Vivian exerce un métier spécial : elle est analyste à la CIA, chargée plus spécialement du démantèlement d'une cellule d'agents dormants qui espionnent sur le sol américain au profit de la Russie. Et un jour, en prenant la main sur l'ordinateur d'un certain Youri, présumé espion russe, Vivian y fait une découverte ahurissante : la photo de son mari dans le même fichier que quatre autres personnes qui lui sont inconnues.


Une histoire totalement captivante


J'ai rarement lu une histoire aussi captivante que celle que nous raconte dans ce roman Karen Cleveland, qui fut elle même analyste à la CIA. On réalise très vite que l'auteur sait de quoi elle parle, et pour cause ! La force du récit réside à mes yeux dans la manière dont cette histoire de contre-espionnage est abordée. C'est l'angle familial qui est en effet privilégié du début à la fin. Une mère qui se préoccupe de ses enfants, les protège, découvrant un jour avec effarement les dangers qui les menacent. Une femme qui se sent trahie par son mari. Bien sûr elle est meurtrie par cette révélation, et elle se souvient tout à coup du passé, remonte les dix dernières années de sa vie commune avec Matt, pour peser à travers chaque épisode important de celle-ci, si elle a eu effectivement affaire à un menteur, à un manipulateur, ou si au contraire son mari a pu changer et devenir un homme sincère. Et la réaction surprenante de Matt ajoute  un piment supplémentaire à ce roman, car l'espion, soudain démasqué et qui aurait pu être abattu par cette révélation, réagit avec panache et sauve son couple.


En proie au doute


Je me suis plongé avec délectation dans ce roman parce qu'il laisse en permanence le doute en place dans l'esprit de Vivian et par conséquent du lecteur que Karen Cleveland prend à témoin tout au long de son récit. Où est la vérité ? On attend avec impatience la fin du livre, et là, effectivement on ne sera pas déçu !!! Mais, il est impossible d'en parler sous peine de détruire tout suspense.

Une actualité brûlante


« Toute la vérité » est un roman qui parle de la manipulation au quotidien, de la difficulté d'échapper aux "services spéciaux", une fois qu'on est pris dans l'engrenage. Le livre met aussi en lumière l'éternelle guerre secrète entre Russes et Américains. C' est donc un livre qui tombe à point, au moment où l'actuel président des Etats-Unis ( Donald Trump) est lui même empêtré dans une accusation de collusion avec les Russes lors de la campagne présidentielle qui l'a porté au pouvoir face à Hillary Clinton. Ce roman n'y fait nullement allusion, mais il s'inscrit dans un contexte d'espionnage « moderne » où les nouvelles technologies et leur impact sur la politique internationale ont toute leur place.

Un roman absolument époustouflant, effrayant bien sûr, glaçant, et pourtant on espère une suite!

Date de publication du roman : 25 janvier 2018

vendredi 26 janvier 2018

3000 pages vues merci à tous !



Lancé le 16 décembre dernier, le blog "Chasseurs de Livres" que j'ai le plaisir de vous proposer pour parler en avant-première des nouveautés littéraires, va bientôt franchir en un peu plus d'un mois d'existence le cap symbolique des trois milles pages vues!

J'en suis particulièrement fier et je tiens à vous remercier pour votre intérêt et votre fidélité que j'espère ne pas décevoir.

Merci tout particulièrement à l'équipe NetGalley France, sans qui cette expérience n'aurait pas été possible bien entendu. Ma gratitude s'adresse aussi à tous les éditeurs qui m'ont fait confiance jusqu'ici pour me faire parvenir leurs tous derniers ouvrages avant leur parution. Par ordre alphabétique: Belfond, Calmann-Levy,  Fayard, Grasset, Michel Lafon, Robert Laffont, JC Lattès, Préludes, Stock. 

Ma surprise, je dois dire, a été de constater que pratiquement la moitié de la fréquentation du blog provenait d'Amérique du Nord. Je veux donc vous saluer, chères lectrices et chers lecteurs expatriés de l'autre côté de l'Atlantique, pour votre présence.

N'hésitez pas à me faire parvenir vos commentaires et vos critiques!

Merci!


et ne manquez pas ma prochaine chronique consacrée au roman époustouflant d'une ancienne analyste de la CIA Karen CLEVELAND "Toute la vérité"...


mardi 23 janvier 2018

L'atelier des souvenirs par Anne Idoux-Thivet



Grâce à Alice, autoentrepreneur qui intervient dans deux maisons de retraite de la Meuse, Georges et Elisabeth qui étaient amoureux l'un de l'autre lorsqu'ils étaient dans la Résistance, vont se retrouver et se marier soixante dix ans plus tard. Un atelier d'écriture mis en place par la jeune femme permet de les rapprocher enfin...D'une façon générale, les personnes âgées des deux établissements, inscrites dans l'atelier, sont ravies de cette expérience et se livrent totalement à l'exercice. Mais elles vont aller, de connivence , beaucoup plus loin. Elles vont en effet s'intéresser à la vie personnelle d'Alice, une jeune fille introvertie, qui a laissé passer le grand amour quelques années auparavant... Et entreprendre une démarche particulièrement inattendue.

Un regard bienveillant


J'ai trouvé ce roman original , d'abord publié en autoédition puis chez l'éditeur Michel Lafon, très beau, très sensible, très proche des gens dont il est question : les personnes âgées livrées à leur solitude des maisons de retraite, en particulier celles qui souffrent des maladies qu'on y rencontre le plus fréquemment ( la maladie d'Alzheimer notamment), mais aussi les personnels qui les encadrent et les accompagnent tous les jours.

Une écriture poétique


J'ai apprécié que l'auteur, Anne Idoux-Thivet utilise assez souvent le style épistolaire. Des lettres qui nous racontent aussi l'histoire, avec beaucoup de tendresse, parfois de mélancolie, et qui rendent le roman plus vivant. On est dans un récit très fluide, qui se lit facilement.

L'importance de l'écrit

Et si le message le plus important de ce roman était de nous faire ressentir l'importance de l'écrit pour échapper à la solitude, pour surmonter ses peines, ses désillusions, et faire face à la fuite du temps qui est notre lot commun ? De ce point de vue aussi, « l'atelier des souvenirs » est une belle réussite.

Date de publication du roman : 18 janvier 2018

lundi 22 janvier 2018

La fille sous la glace de Robert Bryndza



Un corps découvert dans un lac gelé à Londres, près d'un musée. Sous la glace. Celui d'une jeune fille, Andrea Douglas- Brown, dont le père est un riche industriel. L'enquête est confiée à Erika Foster, dont le mari est mort en service, quelque temps auparavant. La policière se voit confier cette première affaire dans un commissariat de Londres, où elle va devoir s'imposer face à certains de ses collègues qui ne vont lui faire aucun cadeau.


Une enquêtrice hors pair


J'ai aimé ce polar, certes très classique dans la forme, mais captivant, précis, crédible, très agréable à lire. Le personnage d'Erika est particulièrement attachant, et on la suit tout au long de son enquête semée d'embûches avec un intérêt soutenu car elle porte en elle des valeurs qui en font une héroïne exceptionnelle : un sens de l'observation hors pair, cela va de soi, mais surtout une persévérance à toute épreuve en dépit des pressions, des coups bas, des dangers... Elle forme, avec ses deux équipiers, Peterson et Moss, un trio qu'on aime voir évoluer tout au long du roman avec un sens de la solidarité qui est l'unique condition de la survie de chacun, et surtout d'Erika la courageuse, qui sait tirer parti de chaque situation sans jamais s'avouer vaincue...


Le décor londonien


L'action est entièrement située à Londres, et on découvre la capitale anglaise sous la neige, de quartier en quartier, avec beaucoup de plaisir. Cela pourrait parfois nous renvoyer à certaines descriptions de Dickens, s'il n'y avait des références évidemment tout à fait contemporaines aux nouvelles technologies, aux réseaux sociaux, à la police scientifique. D'un côté les quartiers riches où vit la famille de la victime, Andrea, et de l'autre un monde dominé par les trafics en tous genres et la prostitution. L'intrigue évolue dans le contexte très connu de l'exploitation des jeunes filles de l'Est attirées en Angleterre par une vie meilleure mais qui deviennent très vite la proie des proxénètes. Dans cette histoire les médias et la police collaborent, pour le meilleur, parfois pour le pire.


Un style alerte et efficace


Pas de fioritures dans la construction du roman qui est écrit d'un seul point de vue, à la troisième personne, avec toutefois quelques touches narratives à la première personne, soit quand il s'agit des souvenirs douloureux d'Erika, persécutée par la mort de son mari tout au long de l'enquête, soit des impressions de l'assassin ! C'est en effet toute l'habilité de l'auteur du roman, Robert Bryndza, que d'introduire dans le roman de courts chapitres où on voie évoluer le meurtrier, dont on ne connaîtra bien sûr l'identité qu'à la toute fin du livre.


Un vrai plaisir de lecture


Je vous conseille ce roman, à lire si possible près d'un bon feu, par temps de pluie ou de neige, évasion et suspense garantis, et en plus, il y aura une suite, nous dit l'auteur, que demander de mieux !

Date de publication du roman : 25 janvier 2018

jeudi 18 janvier 2018

Un autre Brooklyn de Jacqueline Woodson



Nous sommes dans les années 70. August a huit ans lorsqu'elle quitte le Tennesse pour Brooklyn. Vingt ans plus tard, alors qu'elle est devenue anthropologue et qu'elle revient à New-York à la mort de son père, la jeune femme se souvient avec tristesse et mélancolie de ce basculement entre deux mondes : elle qui vivait heureuse avec son père, sa mère et son frère, dans une ferme, est soudain projetée dans l'univers cosmopolite et violent de l'arrondissement le plus peuplé de New-York, Brooklyn. Mais c'est là qu'elle va aller à l'école et faire la connaissance de Silvia, Angela et Gigi, qui comme August ont la peau noire. Elles se construisent ensemble, attirées par la musique, la danse, la comédie, mais elles veulent aller vivre « ailleurs » pour inventer une autre Brooklyn... Dans les années soixante-dix, l'arrondissement new-yorkais n'est pas une fin en soi, un projet de vie envisageable pour ces quatre jeunes filles qui cherchent à vaincre la malédiction qui semble peser sur elles.

Un roman inclassable et poignant


J'ai eu un vrai coup de foudre pour ce roman inclassable et poignant, capable d'exprimer en peu de mots des sentiments profonds. Le poids le plus lourd à porter pour August est d'abord la mort de sa mère dans le Tenessee, qu'elle n'accepte pas. Il y a un déni douloureux et l'incapacité de faire le deuil jusqu'au jour où elle découvre l'urne funéraire ramenée par son père dans l'appartement de Brooklyn. Tout au long de ces pages, la peur des mauvaises rencontres ( drogués et pervers sont nombreux dans ce quartier de Bushwick où se déroule le roman) est exprimée avec force par l'auteur, mais aussi l'apprentissage de la solidarité envers les plus pauvres ( par exemple quand August et son frère viennent en aide aux enfants quasiment abandonnés à leur sort de la voisine.) « Un autre Brookyn » est aussi un roman initiatique où l'apprentissage de la vie passe bien sûr par la découverte de l'amour et de la sexualité, l'auteur décrivant « quatre jeunes filles toujours ensemble, d'une beauté stupéfiante ».


Une part d'autobiographie


Jacqueline Woodson signe ici son premier roman, paru aux Etats-Unis en 2016 et qui vient d'être édité chez Stock. Née dans l'Ohio, l'auteur a publié jusqu'ici des nouvelles principalement pour la jeunesse. Elle y est devenue célèbre, recevant le prestigieux National Book Award pour « Brown Girl Dreaming », une autobiographie. Beaucoup de détails du roman « Un autre Brooklyn » proviennent également de la propre vie de l'auteur, selon ses notes en fin d'ouvrage.


Un combat difficile


Ce qui ressort évidemment du magnifique roman de Jacqueline Woodson, c'est toute la difficulté pour une fille, et notamment une enfant de couleur, de faire son chemin dans l’Amérique des années 70-80. Le prix de la liberté est presque inaccessible, mais il faut toujours se battre et espérer.

Date de publication du roman : 3 janvier 2018

lundi 15 janvier 2018

Les rêveurs d'Isabelle Carré




On connaissait l'actrice Isabelle Carré, et on découvre ici l'auteure tout aussi talentueuse qui publie à 46 ans son premier roman. « Les rêveurs » est un ouvrage qui ressemble beaucoup à une autobiographie où Isabelle Carré nous parle « d'une enfance rêvée » à défaut de relater « une enfance de rêve ». Même si la part d'imagination reste palpable, au fil des pages.

Passé présent


J'ai aimé ce roman sincère, touchant, où l'on navigue entre le passé et le présent avec beaucoup d'aisance, sans être déboussolé par les changements d'époque et parfois de lieux. Le récit est consacrée à une famille qui passerait tout à fait inaperçue, si ce n'est qu'un jour la petite fille et ses deux frères apprennent de leur père qu'il est homosexuel.

De cette découverte brutale pour tout le foyer découlent bien des bouleversements, parfois extrêmement douloureux, voire périlleux. Isabelle Carré nous montre comment « la maison du bonheur » va cesser d'être ce refuge où l'on se sentait protégé, invincible. Mais la leçon de cette épreuve, c'est de ne jamais cesser d'espérer.

Le chemin de la liberté


L'auteur a expliqué dans une interview donnée à Léa Salamé sur France Inter avoir « écrit pour faire exister les enfants d'homo. » Et c'est bien ce qui se passe dans le roman, qui invite à suivre la petite fille, d'abord traumatisée puis qui va prendre son destin en main. La voici bientôt dans son parcours d'adolescente, puis d'adulte, et un jour elle devient une comédienne reconnue, récompensée, même si elle le nie : « Je suis une actrice connue qu'on ne connaît pas ». Il est pourtant clair que la réussite la plus éclatante est au rendez-vous dans la vraie vie pour Isabelle Carré qui a été plusieurs fois distinguée par des prix prestigieux ( dont un César de la meilleure actrice en 2003, puis deux Molière).

Les émotions, les surprises, les coups de théâtre se succèdent dans le roman, très inattendus parfois. On ne s'ennuie pas une seconde à la lecture de ces pages intimes, où il est clair qu'il faut savoir conquérir la liberté, quelles que soient les circonstances, les obstacles, qui pourraient nous barrer la route.

Date de publication du roman: 10 janvier 2018

jeudi 11 janvier 2018

Millenium Blues de Faïza Guène



Zounia, dite « Zouzou », est assistante de vie à Paris. Elle est née dans un milieu pauvre d'un mariage mixte entre une mère française et un père kabyle et fan à la fois de Youri Djorkaeff et de Zinedine Zidane. Sa meilleure amie, Carmen, plonge dans la déprime après avoir causé involontairement la mort d'une jeune femme dans un accident de la route. Zouzou, elle, paraît promise à filer le parfait amour, après sa rencontre avec Eddy, un jeune gitan qui veut devenir acteur. Une petite fille, Lila, naît de leur rencontre. Mais la vie réserve souvent des déconvenues...

J'ai découvert Faïza Guène en écoutant France Inter, où elle était reçue dans l'émission « Boomerang » d'Augustin Trapenard et parlait de son nouveau roman « Millenium Blues ». Un titre choisi parce que dans les années 90, à l'aube du nouveau millénaire, un opérateur téléphonique avait lancé le forfait illimité le soir et la nuit... Un titre symbole d'une époque dont l'auteur a gardé la nostalgie : fan des chansons du groupe Abba, Faïza Guène en a fait la bande son du roman, allant même jusqu'à traduire les paroles dans un français particulièrement poétique.

Une auteure prodige

 

Je ne m'étais pas souvenu que lorsqu'elle était encore au lycée, Faïza avait participé à un atelier d'écriture organisé par son professeur de français. Son texte était tellement beau que l'enseignant l'avait envoyé (à son insu!) chez Hachette et que l'éditeur avait décidé de faire terminer la rédaction à son auteur. Résultat : un contrat et 400 000 exemplaires vendus, selon Wikipédia. C'était en 2004 avec « Kiffe Kiffe demain », roman traduit en vingt-six langues.

Une tranche de vie sans artifices


J'ai vu dans « Millenium blues » un très joli roman, sans artifices, qui raconte la vie ordinaire d'une jeune fille de la « génération Y », avec émotion et sensibilité. J'ai été réceptif à un texte qui raconte à la fois une histoire intime, mais reste étroitement imbriqué avec les événements que nous avons tous vécus lors de ce changement de millénaire : la coupe du monde de football remportée par la France, la défaite de Lionel Jospin, le onze septembre, la canicule du siècle, etc...

Une musique un peu triste et désabusée


J'ai entendu une musique un peu triste et désabusée en tournant les pages de ce roman, avec quelques passages sublimes. Je retiendrais pour ma part le dialogue renoué entre le père et la fille, lorsque celui-ci décide enfin de se remarier, et que Zouzou l'encourage à le faire malgré ses réticences, allant jusqu'à affirmer qu'elle a « marié son père ».

Lisez ce livre, en réfléchissant à cette phrase de l'auteur lors d'une interview récente : « la littérature de banlieue n'existe pas. Quand on écrit, on met ses tripes sur la table, on ne se positionne pas par rapport à un territoire ».

Date de publication du roman : 10 janvier 2018

mardi 9 janvier 2018

Les flamboyantes de Robin Wasserman


Craig, un adolescent de l'équipe de basket d'une petite ville américaine, en Pensylvanie, a été retrouvé mort dans un bois,  gisant dans une mare de sang. L'enquête conclut au suicide. Dans son lycée, trois filles s'observent : Nikki Drumond, la copine du moment de Craig, très belle et qui est la « reine » de la classe, Lacey, un vrai garçon manqué audacieuse et rebelle, et Hannah, une fille effacée, pas très jolie et qui ne sort jamais du rang.

Je ne vous raconte pas la suite. C'est un des romans les plus dérangeants et les plus violents que j'ai pu lire récemment. Le récit est mené avec brio, ménageant le suspense de manière remarquable, avec plusieurs points de vue, mais principalement celui de Lacey et de Hannah qui devient « Dex ».

De quoi est-il question ? On pourrait répondre pudiquement d'une affaire de mœurs qui a mal tourné. Dépravation, violence, sexualité perverse, satanisme, tout y passe. Triste reflet d'une société en panne de sens, y compris peut-être dans sa littérature. Cependant, l'analyse psychologique des personnages est particulièrement saisissante et, il faut bien le dire, réussie.

Dieu est mort


Qu'est-ce qui a poussé l'auteur, Robin Wasserman, une romancière américaine de 39 ans, née en Pensylvanie et auteur de plusieurs romans pour adolescents à écrire une histoire aussi choquante qui baigne dans le « grunge » avec en bande son la musique de Nirvana ?  En toile de fond, il y a forcément  la dérive puritaine d'une certaine Amérique, contre laquelle Robin Wasserman fait réagir l'un de ses personnages les plus emblématiques du roman, Lacey. Deux adolescentes qui vont taguer en pleine nuit  le « centre de suivi des mineures enceintes » avec la célèbre citation de Nietzsche « Dieu est mort », et voilà sans doute comment l'auteur essaie de nous faire passer un des messages clefs de cette triste histoire.

Gratuité ?


Mais, cela ne m'enlève personnellement pas cette impression que le roman plonge ses lecteurs d'une manière beaucoup trop gratuite dans la violence et la provocation un peu vaine. En fait, chacun peut se faire sa propre idée, je ne crois pas que « Les Flamboyantes » soient un modèle de lecture à recommander. Mais il appartient à la production littéraire américaine du moment, il faut aussi en tenir compte et voir l'accueil du public français à cette production tout de même très nihiliste, très sombre en fin de compte.

Date de sortie du livre : 17 janvier 2018

lundi 8 janvier 2018

Lettres de mon enfance d'Emma Reyes



J'ai découvert sur internet qu'Emma Reyes ( dont plus de deux cents tableaux sont conservés à Périgueux où elle a longtemps  vécu) était née à Bogota en 1919 et qu'elle était décédée à Bordeaux en 2003. Cette artiste proche de Frida Kahlo avait été surnommée pendant les années soixante et soixante dix la « mamá grande » de la peinture colombienne par ses jeunes compatriotes exilés à Paris. Paris, où Emma lança véritablement sa carrière, après avoir gagné un concours de peinture dans son pays natal. Lors de sa première grande exposition en 1949 à la galerie Kléber, un certain Pablo Picasso signa son livre d'or ! Un peu plus tard, elle rencontra à Mexico Diego Rivera.


De la peinture à l'écriture


Par chance pour ses admirateurs, Emma Reyes fut encouragée à écrire par Gabriel Garcia Marquez, puis sollicitée par une importante personnalité colombienne, l'écrivain et diplomate German Arciniegas. Ce dernier lui demanda de raconter son enfance, Emma Reyes accepta, et composa entre 1969 et 1997 vingt-trois lettres admirables qu'elle adresse à « German ». L'artiste y a consigné des souvenirs hors du commun, d'une poignante vérité, qui commencent à partir de l'âge de cinq ans. Ces lettres ont été publiées d'abord en espagnol par un éditeur de Bogotá, puis en France, en octobre 2017, par l'éditeur Pauvert, département de la librairie Arthème Fayard. Coup de chapeau pour cette publication qui honore une grande créatrice !


Des mémoires hallucinantes de vérité


A la lecture d'Emma Reyes, j'ai entendu une voix unique, capable de faire ressurgir les émotions d'une enfant pauvre des bas-quartiers de Bogotá ballotée, livrée à elle même, un temps coupée du monde... On la suit d'abord dans un taudis de la capitale colombienne, puis ensuite dans des villages de la campagne un peu éloignée de Bogotá où « Madame Maria » (qui pourrait être sa mère mais elle n'en dit rien) va travailler dans des chocolateries, au milieu du petit peuple et des Indiens. Jusqu'au jour, où avec sa sœur Helena, Emma va se retrouver abandonnée, et forcée d'entrer dans un couvent, car elle sont considérées toutes deux comme orphelines. Là, parmi les nonnes, elle vont se confronter à une vie religieuse très stricte, le mot est faible, où Emma va cependant recevoir une première éducation et surtout apprendre la broderie, qui est alors son savoir-faire par excellence. Les qualités d'une grande artiste sont en germe. Je ne vous raconte pas le « final » mais c'est sublime.
Ce texte superbe est absolument à lire, il est un modèle parfait d'autobiographie appliqué à l'enfance qu'on devrait davantage montrer dans les ateliers d'écriture. Et un moyen extraordinaire d'accéder à la peinture colorée et tout en mouvements d'Emma Reyes.

lundi 1 janvier 2018

Les nouveaux voisins de Catherine McKenzie




D'une soirée étudiante trop arrosée qui vient titiller nos souvenirs ( forcément on en a tous connu) , Catherine McKenzie tire, telle une magicienne, un sacré  roman de son escarcelle avec un suspense psychologique à vous tenir en haleine pendant 428 pages. Le livre qui paraît ce mois-ci chez Michel Lafon est déjà un succès au Canada et aux Etats-Unis ( je salue au passage mes lecteurs d'Amérique du Nord qui consultent ce blog, merci!).

Un crime ou un simple accident ?


Julie, romancière américaine à succès, a du déménager dans l'Ohio parce qu'elle se retrouvée harcelée par une ancienne étudiante de son Université à Montréal, Heather, qui faisait plus ou moins partie de sa « bande ».  En effet, l'une de leurs connaissances communes, Kathryn,  est morte étouffée dans une chambre, lors d'une soirée étudiante. Etait-ce un crime ou une mort accidentelle ? Rien n'a été prouvé. Mais Julie en a tiré un roman, qui a fait grand bruit : « Le Jeu de l'Assassin ». Et c'est précisément à partir de ce moment, qu'Heather s'est mise à harceler Julie.

A la recherche de tranquillité dans l'Ohio


Julie, avec son mari Daniel,et leurs deux jumeaux âgés de six ans, aspirent à une vie tranquille, et pour oublier les ennuis de Julie, ils viennent s'installer à Cincinnati, Ohio, dans un quartier résidentiel. Mais les nouveaux tracas vont venir de la présidente de l'association des propriétaires du quartier ( des villas plutôt coquettes habitées par des jeunes couples avec des enfants, dont certains ont déjà atteint l'adolescence). Cindy Sutton veut tout régenter, organise les réunions de voisins et les réglemente, n'hésitant pas à utiliser un site internet pour que chacun puisse raconter les faits et gestes de chacun.

Un thriller psychologique


Le roman est raconté du point de vue de Julie et de son voisin John. Les deux personnages tombant sous le charme l'un de l'autre...  C'est une histoire qui vous incite à tourner les pages, et pourtant on n'y rencontre que des gens et des lieux bien ordinaires en apparence, exceptée Julie, l'héroïne  dont la personnalité ne laisse pas indifférent. Sportive et jolie, intellectuellement brillante, bien sûr elle a tout pour plaire, mais aussi pour inquiéter car elle a vécu cette étrange histoire, quand elle était encore étudiante, qu'elle porte comme un fardeau. C'est le personnage fort du livre, l'auteur s'y reflète, elle même romancière à succès, ancienne étudiante à Mac Gill, la célèbre Université de Montréal, de solide réputation.

J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman, je pense qu'il devrait connaître aussi le succès en France, on prend beaucoup de plaisir vraiment à tourner les pages et à se plonger dans le quotidien de l'Amérique d’aujourd’hui. J''y vois aussi une belle réflexion sur les notions de responsabilité, de culpabilité, et sur cette quête de la vérité qui m'a habité tout au long de ma carrière professionnelle.

(date de publication du roman: 11 janvier 2018)