J'ai découvert sur internet qu'Emma
Reyes ( dont plus de deux cents tableaux sont conservés à
Périgueux où elle a longtemps vécu) était née à Bogota
en 1919 et qu'elle était décédée à Bordeaux en 2003. Cette
artiste proche de Frida Kahlo avait été surnommée pendant les
années soixante et soixante dix la « mamá
grande » de la peinture colombienne par ses jeunes compatriotes
exilés à Paris. Paris, où Emma lança véritablement sa carrière,
après avoir gagné un concours de peinture dans son pays natal. Lors
de sa première grande exposition en 1949 à la galerie Kléber, un
certain Pablo Picasso signa son livre d'or ! Un peu plus tard,
elle rencontra à Mexico Diego Rivera.
De la peinture à l'écriture
Par chance pour ses admirateurs, Emma
Reyes fut encouragée à écrire par Gabriel Garcia Marquez, puis
sollicitée par une importante personnalité colombienne, l'écrivain
et diplomate German Arciniegas. Ce dernier lui demanda de raconter
son enfance, Emma Reyes accepta, et composa entre 1969 et 1997
vingt-trois lettres admirables qu'elle adresse à « German ».
L'artiste y a consigné des souvenirs hors du commun, d'une
poignante vérité, qui commencent à partir de l'âge de cinq ans.
Ces lettres ont été publiées d'abord en espagnol par un éditeur
de Bogotá, puis en France, en octobre 2017, par l'éditeur Pauvert,
département de la librairie Arthème Fayard. Coup de chapeau pour
cette publication qui honore une grande créatrice !
Des mémoires hallucinantes de vérité
A la lecture d'Emma Reyes, j'ai entendu
une voix unique, capable de faire ressurgir les émotions d'une
enfant pauvre des bas-quartiers de Bogotá ballotée, livrée à elle
même, un temps coupée du monde... On la suit d'abord dans un
taudis de la capitale colombienne, puis ensuite dans des villages de
la campagne un peu éloignée de Bogotá où « Madame Maria »
(qui pourrait être sa mère mais elle n'en dit rien) va travailler
dans des chocolateries, au milieu du petit peuple et des Indiens.
Jusqu'au jour, où avec sa sœur Helena, Emma va se retrouver
abandonnée, et forcée d'entrer dans un couvent, car elle sont
considérées toutes deux comme orphelines. Là, parmi les nonnes,
elle vont se confronter à une vie religieuse très stricte, le mot
est faible, où Emma va cependant recevoir une première éducation
et surtout apprendre la broderie, qui est alors son savoir-faire par
excellence. Les qualités d'une grande artiste sont en germe. Je ne
vous raconte pas le « final » mais c'est sublime.
Ce texte superbe est
absolument à lire, il est un modèle parfait d'autobiographie
appliqué à l'enfance qu'on devrait davantage montrer dans les
ateliers d'écriture. Et un moyen extraordinaire d'accéder à la
peinture colorée et tout en mouvements d'Emma Reyes.
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